Le Film du jour n°133 : Ce corps tant désiré
Un film français de Luis SASLAVSKY (1959) avec Belinda Lee, Daniel Gélin, Dany Carrel, Antoine Balpêtré, Dominique Blanchar, Jane Marken, Maurice Ronet...
Ce corps tant désiré... voilà un film dont le titre promet beaucoup... surtout quand le corps dont il est question est celui de la sublime Belinda Lee, une actrice d'origine britannique dont la vie fut malheureusement trop courte.
Nous ne sommes toutefois qu'en 1959 et la libération des mœurs est encore loin. Le film est donc relativement chaste. Même si Dany Carrel, une actrice française spécialisée à l'époque dans les rôles (un peu) osés et (très légèrement) déshabillés (voir Du grabuge chez les veuves), est aussi de la partie. Coïncidence : on retrouve la même année les deux actrices au générique des Dragueurs (1959), le premier film de Jean-Pierre Mocky, où, tout comme Anouk Aimée, Nicole Berger et Estella Blain, les deux belles subissent les assiduités de Jacques Charrier et Charles Aznavour.
Belinda Lee et Jacques Charrier dans Les tricheurs (Mocky, 1959)
Ce corps tant désiré, l'histoire : Tout est calme à Bouzigues, petit village sur l'étang de Thau. Guillaume Féraud (Daniel Gélin) et Henri Messardier (Maurice Ronet) y exploitent un élevage de moules (ou d'huîtres, je ne sais plus... mais, ne vous inquiétez pas, ça ne change rien à l'histoire !). Marinette Féraud (Dany Carrel) est amoureuse d'Henri, un coureur de jupons invertébré (comme les moules et les huîtres...). Tout tourne rond... jusqu'au jour où débarque l'électrisante Lina (Belinda Lee), une étrangère dont on ne connaît rien du passé. Et ce qui devait arriver arrive : c'est le coup de foudre entre Henri et Lina. Mais un jour, la vérité sur Lina éclate ! C'est le début d'un désordre généralisé...
Luis Saslavsky (1903-1995), le réalisateur de Ce corps tant désiré, n'est pas français... comme son nom l'indique. Né en Argentine, il entame sa carrière de metteur en scène dès 1931. Selon l'historien du cinéma Georges Sadoul, Luis Saslavsky fut "l'un des artisans de la renaissance cinématographique argentine entre 1938 et 1944 en signant, sur des sujets parfois conventionnels, des mises en scène délicates et de bon goût". Sur la quinzaine de films que Luis Saslavsky met en boîte jusqu'à la fin des années 40, un seul toutefois est parvenu jusqu'à nos rivages : Sacrifice de mère (1939). Avec un titre comme ça, on a dû pleurer dans les chaumières...
Daniel Gélin et Valentine Teissier (avec le mouchoir) dans La neige était sale (1952) de Luis Saslavsky
Obligé de s'exiler sous le régime péroniste, il débarque en Espagne et signe en 1952 La couronne noire, son film le plus célèbre sur un scénario de Cocteau. Au générique, la pétulante mexicaine Maria Felix et les italiens Vittorio Gassman et Rossano Brazzi.
Dans la foulée, Luis Saslavsky passe en France et enchaîne quatre films. Adaptation d'un roman de Simenon, La neige était sale (1952) met en scène Daniel Gélin dans le rôle d'un être amoral poussé à l'autodestruction sous l'Occupation (si vous aimez rire, je vous le déconseille...).
Avec François Périer, Micheline Presle, Jeanne Moreau et Madeleine Robinson, Les louves (1957) s'inspire d'un roman au suspense diabolique de Boileau et Narcejac. En 1958, c'est Yves Montand et Nicole Berger qui passent devant la caméra de Luis Saslavsky dans Premier Mai, connu aussi sous le titre Le père et l'enfant. Après avoir réalisé Ce corps tant désiré en 1959, Luis Saslasky retourne en Argentine où il signe encore plusieurs films.
Belinda Lee (image : www.findagrave.com)
"Splendide blonde aux yeux verts" selon Jean Tulard, Belinda Lee joue Lina dans Ce corps tant désiré. Née en 1935, la jeune fille démarre sa carrière cinématographique en 1953 sous l'égide des studios britanniques Rank où elle enchaîne les films (Rendez-vous avec Callaghan, Saunders, 1954 ; Des pas dans le brouillard, Lubin, 1955 ; Faux policiers, Donner, 1956 ; In ze pocket, Carstairs, 1957 ; Le prisonnier du temple, Hurst, 1957, etc.). Elle s'y fait rapidement remarquer. Belinda Lee est ainsi élue "Miss Deep Ocean 1954" par la Marine américaine, c'est tout dire !
Les Italiens, jamais en retard d'une jolie fille, lui tendent aussi les bras. Déesse Aphrodite dans Aphrodite, déesse de l'amour (Cerchio & Tourjansky, 1957), Lucrèce Borgia dans Les nuits de Lucrèce Borgia (Grieco, 1959) et Messaline dans le film du même nom (Cottafavi, 1959), Belinda Lee joue également dans Profession : mari (1959) de Francesco Rosi aux côtés d'Alberto Sordi et Renato Salvatori.
Belinda Lee joue (très bien...) Aphrodite dans Aphrodite, déesse de l'amour en 1957
Mais Belinda Lee n'est pas une actrice popote. Sa vie privée défraie la chronique. Dans les années 50, alors mariée au photographe britannique Cornel Lucas, la belle vit une passion amoureuse et tapageuse avec le prince Orsini, pourtant doté d'une épouse en bonne et due forme. Le pape lui-même va jusqu’à s'en mêler, puisque Pie XII n'hésite pas à vouer aux gémonies les deux tourtereaux et à interdire de Vatican le prince !
Heureusement, tout est bien qui finit bien car Belinda Lee finit par divorcer en 1959... Mais c'est pour tomber dans les bras du journaliste et play-boy Gualtiero Jacopetti qui deviendra célèbre comme spécialiste des "mondos", ces pseudo-documentaires à sensations fortes et aux sujets scabreux (Mondo Cane, 1961 ; La femme à travers le monde, 1962 ; L'incroyable vérité, 1963 ; Les négriers, 1972 ; Mondo candido, 1975).
Gabriele Ferzetti et Belinda Lee dans La longue nuit de 43 (Vancini, 1960) (image : www.wikimedia.org)