Le Film du jour n°129 : Ploum ploum tra la la
Un film français de Robert HENNION (1947) avec Georges Milton, Saturnin Fabre, Paulette Dubost, Suzanne Dantès, Edouard Delmont, Danielle Godet...
Ah ! L'heureuse époque où l'on pouvait présenter sur les écrans français des films comme Ploum ploum tra la la et où tout le monde trouvait ça épatant... Aujourd'hui, il faut se payer Extension du domaine de la lutte (Harel, 1999), Violence des échanges en milieu tempéré (Moutout, 2003) ou Journal d'une Nord-coréenne (Jang In-Hak, 2006)... C'est sûr, c'est nettement moins léger !
Tout comme Mon frangin du Sénégal (Lacourt, 1953), Ploum ploum tra la la est typique d'un certain cinéma du samedi soir qui fit florès en France à la fin des années 40 et dans les années 50. Juste soucieux de distraire le pauvre populo après une semaine difficile, "les réalisateurs se complaisaient dans les facilités les plus éculées - nymphomanie, cécité, amnésie, cocufiages, suicides manqués, marivaudages... - pour justifier des scénarios artificiels, multipliaient les pirouettes pour arriver à des dénouements invraisemblables et attiraient les spectateurs avec des titres pittoresques", écrit Catherine Gaston-Mathé dans La société française au miroir de son cinéma (Panoramiques). Ploum ploum tra la la n'échappe pas à la règle.
Une autre affiche du film
D'une audace folle, le titre du film s'inspire de celui de la chanson générique d'une célèbre émission radiophonique d'après-guerre intitulée "On chante dans mon quartier". Le film de Robert Hennion s'en veut d'ailleurs une adaptation pour le grand écran. On retrouve au générique, dans son propre rôle, Georges Gosset, l'interprète de cette chanson au refrain inoubliable :
Ploum ploum tra la la, voilà c'qu'on chante, voilà c'qu'on chante.
Ploum ploum, tra la la, voilà c'qu'on chante chez moi !
Autant dire que Barbara et Léo Ferré peuvent aller se rhabiller ! A noter que les paroles sont à mettre au crédit de Francis Blanche... Les couplets s'avèrent tout de même un peu plus recherchés :
Si vous vous prom'nez dans mon quartier,
Vous y verrez comme on a le cœur gai,
Vous entendrez les maisons
Murmurer des chansons.
Le menuisier chante en menuisant,
Le cordonnier chante en cordonnant,
Et l'sergent d'ville sur son sifflet
Joue un menuet."
Heureuse époque, qu'on vous dit !!!
Également acteur, Georges Gosset fut l'interprète officiel de "Ploum ploum tra la la", la chanson, alias "On chante dans mon quartier"...
Ploum ploum tra la la, l'histoire : (rassurez-vous, je ne vais pas vous la faire longue car elle ne vaut pas tripette) Un timide mais débrouillard vendeur de bouchons décide d'aider un jeune homme à se marier en se faisant passer pour un oncle fortuné aux yeux de la mère de la future mariée. La belle-mère potentielle est en effet une marquise hostile à toute mésalliance...
Nous avons déjà évoqué dans les colonnes du Film du jour Georges Milton (1886-1970), qui joue le rôle principal de Ploum ploum tra la la. Chanteur comique célèbre dans l'entre-deux-guerres, il immortalisa à l'écran le fameux Bouboule (voir Bouboule 1er, roi nègre). Georges Milton remettra le couvert avec le réalisateur Robert Hennion un an plus tard avec Et dix de der (1947), autre adaptation d'une émission radiophonique.
Paulette Dubost dans les années 30
Attachons-nous plutôt à l'une des actrices de Ploum ploum tra la la, j'ai nommé Paulette Dubost, née en octobre 1910 et décédée le 21 septembre 2011 à presque 101 ans. En 2005, Laurent Ruquier et sa bande l'avait malencontreusement déjà enterrée dans "On a tout essayé". La vieille dame ne s'était pas démontée pour si peu et avait passé un coup de fil à la chaîne pour préciser que non, décidément, réflexion faite, elle n'était pas encore passée de vie à trépas... Ce qui lui avait valu une invitation en bonne et due forme sur le plateau de l'animateur quelques semaines plus tard ! Paulette Dubost a donc pulvérisé les records de longévité pour les acteurs français "célèbres", longtemps détenus par Charles Vanel (1892-1989) chez les hommes et par Denise Grey (1896-1996) chez les dames...
Paulette Dubost entre en scène dès l'âge de sept ans dans la troupe de Petits rats de l'Opéra. Après un passage par l'opérette, elle est repérée par le réalisateur allemand Wilhelm Thiele qui l'engage pour Le bal (1931), où débute également une dénommée Danielle Darrieux. Tout de suite, Paulette Dubost enchaîne les films. "Elle chante, elle danse, elle bavarde, elle se faufile partout, Dubost, écrivent Olivier Barrot et Raymond Chirat dans Noir & Blanc (Flammarion). Elle prodigue un jeu simplet mais empreint de fraîcheur. Elle ne rechigne devant rien, abat du travail, se confie aux revues spécialisées du temps, donne des recettes de cuisine, ne rate pas une présentation de mode, une garden-party, une exhibition de voitures de luxe ou de maillots de bain et semble frappée d'ubiquité".
Paulette Dubost et Nora Gregor dans La règle du jeu (Renoir, 1939)
Au cours des années 30, Paulette Dubost se distingue (souvent en soubrette volage et mignonne) dans des comédies très légères comme La reine des resquilleuses (Glass & Gastyne, 1934), L'auberge du Petit Dragon (de Limur, 1934), Le bébé de l'escadron (Sti, 1935), La brigade en jupons (de Limur, 1936), etc. Dans Le roi des Champs-Élysées (Nosseck, 1935), elle donne même la réplique à un Buster Keaton au bout du rouleau ! De grands metteurs en scène font aussi appel à Paulette Dubost, à l'instar de Marcel L'Herbier (Le bonheur, 1934), Marcel Carné (Hôtel du Nord, 1938) et Jean Renoir (La règle du jeu, 1939, où elle joue la fameuse camériste espiègle). Vingt ans plus tard, elle retrouvera Renoir à l'occasion du Déjeuner sur l'herbe (1959).
Paulette Dubost fut Bécassine à l'écran, bien avant qu'elle ne devienne la cousine de Chantal Goya (image : www.aide-memoire.org)
C'est aussi sous les traits de Paulette Dubost que s'incarne la bretonne Bécassine dans le film du même nom réalisé en 1938 par Pierre Caron. Après-guerre, Mademoiselle Dubost ne lève pas le pied. Si elle enchaîne les navets signés Berthomieu, Le Hénaff, Rivers, Joannon ou Jayet plus souvent qu'à son tour, on l'aperçoit quand même dans Le plaisir (1951) et Lola Montès (1955) de Max Ophüls, La fête à Henriette (1952) de Julien Duvivier et dans Maigret tend un piège (1959) de Jean Delannoy.
La nouvelle génération de cinéastes qui apparaît au détour des années 50 ne l'oublie pas: Le chemin des écoliers (Boisrond, 1960), Peau de banane (Marcel Ophüls, 1963), Viva Maria (Malle, 1965), Le dimanche de la vie (Herman, 1965), Tendre poulet (de Broca, 1977), Le dernier métro (Truffaut, 1980), etc. On passera quand même sous silence ses passages dans Le retour des bidasses en folie (Vocoret, 1982) et dans Charlots Connection (Couturier, 1984).
Michel Galabru et Paulette Dubost dans Le jour des rois (Treilhou, 1990) (image : www.allocine.fr)