Le Film du jour n°121 : Plus moche que Frankenstein, tu meurs !
Titre original : Frankenstein all'italiana
Un film italien d'Armando CRISPINO (1975) avec Gianrico Tedeschi, Aldo Maccione, Jenny Tamburi, Ninetto Davoli...
Après l'énorme succès de Plus beau que moi, tu meurs (P. Clair, 1982), les distributeurs français se mirent à farfouiller dans la filmographie italienne d'Aldo Maccione à la recherche de "perles" aptes à faire rentrer les biffetons illico prestissimo... C'est ainsi qu'ils dénichèrent ce Frankenstein all'italiana réalisé quelques années plus tôt, œuvrette qu'ils s'empressèrent de baptiser Plus moche que Frankenstein, tu meurs !... On reste évidemment bouche bée devant tant de duplicité... d'autant que le film est une pantalonnade ras les pâquerettes d'une médiocrité à faire pâlir les amateurs de nanars.
L'affiche originale du "chef-d'oeuvre"
Deux ressorts comiques sont censés faire rire : la créature (interprétée par un Aldo Maccione qui en fait des tonnes) émet des flatulences à intervalles réguliers (ça c'est rigolo...) et elle est dotée d'un plus gros zizi que son concepteur, le docteur Frankenstein, qui en devient vert de jalousie (ça, c'est hilarant, y a pas d'autre mot...). Cet atout viril lui permet de satisfaire à bon compte l'intégralité du casting féminin, qui en profite pour livrer en pâture aux spectateurs médusés leurs appas sympas... Autant dire que l'on a là, entre les mains ou devant les yeux si l'on préfère, un petit bijou du cinéma transalpin !
Plus moche que Frankenstein, tu meurs !, l'histoire : Le savant Frankenstein envoie son fidèle Igor à la recherche d'un cerveau, de sang frais et de membres (sic) pour constituer le corps de sa créature. La réanimation du monstre se déroule dans une atmosphère tendue (re-sic). Finalement, il vient à la vie bizarrement constitué et n'a qu'une seule idée en tête : assouvir son appétit sexuel... "Frankenstein vous fera trembler de peur, mais le monstre vous fera mourir de rire", proclame le programme. On est très loin du compte dans les deux cas ! Remboursez !
Boris Karloff, le "vrai" monstre créé par le docteur Frankenstein (image : www.toutlecine.com)
Immortalisée au cinéma par Boris Karloff dans les deux célèbres films de James Whale (Frankenstein, 1931, et La fiancée de Frankenstein, 1935), la créature née de la plume de Mary Shelley en 1818 a connu de multiples aventures sur le grand écran. Si les déclinaisons du mythe par le studio britannique Hammer à la fin des années 50 restent plus ou moins fidèles au modèle original grâce au réalisateur Terence Fisher (Frankenstein s'est échappé, 1957, La revanche de Frankenstein, 1958, Frankenstein créa la femme, 1967), les parodies ou les avatars délirants sont légion.
Notre charmante créature croise notamment le duo comique américain Abbott et Costello en 1948 dans Deux nigauds contre Frankenstein (Charles T. Barton), tandis que Jesus Franco filme en 1972 un improbable Dracula contre Frankenstein et enchaîne sur Les expériences érotiques de Frankenstein... On n'ose imaginer le tableau... Et n'oublions pas, pour rester dans cette chaude ambiance, la version signée par Paul Morrissey (Chair pour Frankenstein, 1973, avec Joe Dallesandro) et l'inénarrable Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle (Mel Welles, 1970), petit film gothique transalpin !
Udo Kier dans Chair pour Frankenstein (1973) du tandem Andy Warhol-Paul Morrissey (image : www.toutlecine.com)
La meilleure parodie du genre reste toutefois, et de loin, Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks où, à la différence de Plus moche que Frankenstein, tu meurs !, on rit vraiment. Ajoutons qu'Eddy Mitchell a interprété le fameux monstre dans Frankenstein 90 (Alain Jessua, 1984) et que Robert de Niro s'y est collé dans le Frankenstein de Kenneth Branagh en 1994.
Gene Wilder dans Frankenstien junior (1974) de Mel Brooks (image : www.toutlecine.com)
Le réalisateur de Plus moche que Frankenstein, tu meurs ! n'a guère marqué l'histoire du cinéma italien. On doit néanmoins à Armando Crispino un western-spaghetti intitulé poétiquement Johnny le bâtard (1967) avec John Richardson, le musclé Gordon Mitchell (voir Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le !) et la pulpeuse Martine Beswick (vue aux côtés de Sean Connery dans Opération tonnerre de Terence Young en 1965).
A l'actif également du réalisateur italien, on pointera aussi un honnête film de guerre avec Lee van Cleef (Commandos, 1969) qui repasse régulièrement sur les chaînes câblées. Armando Crispino a également signé deux giallos qui restent tout à fait visibles. Bénéficiant de la présence de la sublime Samantha Eggar - inoubliable en victime de Terence Stamp dans L'obsédé (1965) de William Wyler et en créatrice de "psychoprotoplasmes" meurtriers dans Chromosome 3 (1979) de David Cronenberg -, Overtime (1971) démarre sur les meurtres rituels de deux jeunes gens à l'intérieur d'un tombeau étrusque.
Considéré comme le meilleur film d'Armando Crispino, Frissons d'horreur (1975) s'intéresse, pour sa part, aux tourments d'une jeune femme névrosée et frigide (la mignonnette Mimsy Farmer) propulsée au cœur d'une terrifiante machination. Selon la Cinémathèque française, Frissons d'horreur est "un giallo perturbant dans lequel une banale histoire de meurtre et d'escroquerie est littéralement pervertie par les images ultraviolentes d'une vague de suicides provoquée par des taches solaires qui enflamment un été romain spécialement caniculaire". Le film a acquis une réputation bien méritée pour des scènes de morgue et d'autopsie qui vont très loin dans le malsain et le malaise... Ayant récemment revu cette œuvre de Crispino, le Film du jour confirme.
Ray Lovelock et Mimsy Framer dans Frissons d'horreur (Crispino, 1975) (image : www.toutlecine.com)
Nous ne reviendrons pas sur la carrière d'Aldo Maccione (voir Te marre pas, c'est pour rire ! et Tais-toi quand tu parles !). Mais sachez toutefois que l'actrice italienne Jenny Tamburi (1952-2006), de son vrai nom Luciana della Robbia, pointa sa frimousse à l'âge de 17 ans dans son premier film, intitulé joyeusement Que fais-tu grande folle ? (Caprioli, 1970), aux côtés d'Ugo Tognazzi et de Maurice Ronet. C'est La seduzione (1973) de Fernando di Leo, un film non distribué en France, qui la rendit célèbre de l'autre côté des Alpes. Elle y retrouvait Maurice Ronet.
Jenny Tamburi