Le Film du jour n°113 : Une jeune fille nommée Julien

Publié le par lefilmdujour

Titre original : La ragazza di nome Giulio

Un film italien de Tonino VALERII (1970) avec Silvia Dionisio, Esmeralda Ruspoli, Gianni Macchia, John Steiner...

Bizarre autant qu'étrange, le titre du Film du jour. Une jeune fille nommée Julien... Et pourquoi pas un vieux monsieur appelé Valéry pendant qu'on y est ! En fait, ce titre est le même que celui du roman dont s'inspire le long métrage de Tonino Valerii. Un roman publié au début des années 60 par Milena Milani, poétesse et romancière dans la mouvance du néoréalisme lyrique.

Qualifié d'érotique - mais, en réalité, d'un érotisme sombre et pessimiste -, Une jeune fille nommée Julien (le bouquin) fit scandale lors de sa sortie. Le film lui-même est à contre-courant de la vague érotico-soft joyeuse et décomplexée qui débarquait sur tous les écrans européens à la même époque, notamment en Allemagne, en Italie et en France.

"C'est beau, c'est pudique, c'est triste", résume un spectateur encore sous le choc de la vision d'Une jeune fille nommée Julien... Je sais pas vous, mais moi, une phrase comme ça, ça me met la larme à l’œil... La dernière fois que j'avais entendu ça, c'était pour Sissi face à son destin...

Silvia Dionisio joue Julien

Une jeune fille nommée Julien, l'histoire : Élevée dans la mémoire de son défunt père au point qu'on lui a donné son prénom, Julien vit une enfance coincée entre une mère possessive et volage et une gouvernante qui n'a cessé de la mettre en garde contre la gent masculine. Et pour cause : la gouvernante préfère les femmes en Panti plutôt que les hommes en slip kangourou... Au moment de l'adolescence, Julien doit donc conjuguer cette éducation rigoriste à son attirance de plus en plus exacerbée pour les hommes. Le film raconte alors les tristes tribulations amoureuses de notre héroïne qui vivra sa première expérience sexuelle avec... la gouvernante et qui n'arrivera jamais à atteindre la plénitude sexuelle. Ses multiples aventures n'auront jamais raison de l'amour que lui porte Lorenzo, son ami d'enfance, seule relation durable car totalement platonique dans l'univers de Julien. Tout ça finit malheureusement assez mal...

Terence Hill dans Mon nom est personne (1973), le film le plus célèbre de Tonino Valerii (image : www.toutlecine.com)

Une jeune fille nommée Julien est complètement atypique dans la production cinématographique de Tonino Valerii, réalisateur italien essentiellement connu pour ses westerns-spaghettis, Mon nom est personne (1973) en tête. Sergio Leone considérait d'ailleurs Valerii, né en 1934, comme son meilleur disciple.

"Nos rapports allaient bien au-delà de la simple amitié, déclare Tonino Valerii dans le magazine Mad Movies. Nous étions quasiment frères. Sergio était l'aîné et moi le cadet. Si le cinéaste Alessandro Blasetti, que je considère comme mon mentor, m'a ouvert la voie, Sergio, lui, m'a appris tout ce qu'il fallait savoir sur le cinéma. Plus encore, Sergio m'a aussi montré comment me comporter comme un truand dans le milieu afin de défendre mes intérêts".

Les deux hommes finirent néanmoins par s'opposer, Leone ayant déclaré que c'était lui qui avait réalisé Mon nom est personne, alors qu'apparemment, il n'aurait tourné que quelques scènes avec Terence Hill...

Lee Van Cleef et Giuliano Gemma dans Le dernier jour de la colère (1967) de Tonino Valerii (image : www.toutlecine.com)

Assistant réalisateur sur Et pour quelques dollars de plus... (Leone, 1965), Tonino Valerii signe son premier film en 1966. Lanky, l'homme à la carabine, interprété par l'acteur américain Craig Hill, est sa première incursion dans le western. Ce sera loin d'être la dernière. Il enchaîne sur Le dernier jour de la colère (1967) avec Lee Van Cleef et Giuliano Gemma, puis sur Texas (1969), transposition des événements liés à l'assassinat de JFK dans l'univers du western. La distribution y est dominée par Giuliano Gemma, Fernando Rey et Van Johnson.

C'est à ce moment-là que Tonino Valerii décide de faire un petit détour vers d'autres genres comme l'érotisme donc, avec Une jeune fille nommée Julien, puis le giallo avec Folie meurtrière a.k.a Mon cher assassin (1972).

Seule tentative de Tonino Valerii dans ce genre, Folie meurtrière (disponible en DVD chez Neo Publishing) marque les spectateurs par son atmosphère désespérée (l'action est liée à l'enlèvement et au meurtre d'une petite fille) et par une séquence, devenue célèbre, d'assassinat sadique à la scie circulaire (j'en frissonne encore)...

Tonino Valerii revient au western avec Une raison pour vivre, une raison pour mourir (1972), connu aussi sous le titre de La horde des salopards. Assez raté, ce film, qui transpose le scénario des Douze salopards au temps de la guerre de Sécession, réunit malgré tout une distribution prestigieuse (Telly Savalas, James Coburn, Terence Hill, Bud Spencer).

Folie meurtrière (1972), seule incursion de Tonino Valerii dans le giallo (image : www.ivid.it)

En 1973, Sergio Leone, exaspéré et écœuré par la vague des westerns-spaghettis à la sauce comique (Trinita et consorts), décide d'enterrer le filon en beauté en écrivant Mon nom est personne, sorte d'hommage ironique et de testament au genre qui l'a rendu célèbre. Il décide de se limiter à la production du film et en confie alors la réalisation à Tonino Valerii.

Avec Henry Fonda et Terence Hill, Mon nom est personne devient l'un des plus grands succès du western dans les salles (4,7 millions d'entrées rien qu'en France). Ce chant du cygne est aussi celui de Tonino Valerii. Dans les années qui suivent, il ne signe qu'un petit polar et un film d'aventures (Les requins du désert, 1977) sans grand intérêt. Il se reconvertit alors dans le documentaire, les films publicitaires et la télévision.

Silvia Dionisio

Le rôle-titre du Film du jour est interprété par la superbe Silvia Dionisio. Née en 1951, la jeune femme fait ses premières apparitions à l'écran dès la fin des années 60. On l'aperçoit notamment en 1966 dans une bande avec Louis de Funès (Les grandes vacances, Jean Girault). En 1969, elle figure au générique d'un célèbre film de Luigi Comencini (Casanova, un adolescent à Venise, avec aussi, côté belles créatures, Senta Berger et Tina Aumont), puis elle participe à une comédie peu connue d'Ettore Scola (Le fouineur, avec Ugo Tognazzi).

Sortie dans les salles obscures en 1970, Une jeune fille nommée Julien, qui représente quand même l'Italie au festival de Berlin, reste, à ce jour, le moment le plus retentissant dans la carrière cinématographique de Silvia Dionisio qui, cette même année, prête aussi ses traits gracieux à Lady Marian dans La grande chevauchée de Robin des Bois, signé Giorgio Ferroni (c'est Giuliano Gemma qui interprète l'hôte de la forêt de Sherwood).

Silvia Dionisio est lady Marian dans La grande chevauchée de Robin des bois (Ferroni, 1970) (image : www.toutlecine.com)

En 1971, la jeune femme épouse Ruggero Deodato, réalisateur devenu culte pour avoir commis ce monument de l'anthropophagie sur pellicule qu'est Cannibal Holocaust (1980) (voir Les mémés cannibales). Mais, rassurez-vous, Silvia Dionisio ne sera pas de l'aventure, car elle ne mange pas de ce pain-là ! Durant les années 70, elle jouera toutefois dans quelques films de son mari (inédits en France), dont l'un un tantinet érotique : Una Ondata di Piacere (Waves of Lust en anglais) (1975). Elle restera mariée à Deodato jusqu'en 1979.

Silvia et Sofia Dionisio en couverture d'un magazine intello

Au cours des seventies, comme la plupart des actrices italiennes pas trop moches, elle pose pour des magazines de charme comme Lui ou Playboy. Sur la couverture de l'un des numéros de l'édition italienne de Playboy, on la voit même avec sa sœurette, Sofia Dionisio, elle aussi actrice (le Film du jour a réussi à vous dénicher la photo... qu'est-ce qu'on dit ?).

Parallèlement, Silvia Dionisio continue avec entrain sa carrière cinématographique. Elle apparaît dans un film du réalisateur français Bernard Borderie (A la guerre comme à la guerre, 1971, avec Curd Jürgens et Leonard Whiting, le Casanova de Comencini) et fait partie de la distribution éclectique de Du sang pour Dracula (Morrissey, 1974), où elle côtoie Udo Kier, Vittorio de Sica et Joe Dallesandro.

Elle gratifie également de sa plastique irréprochable Mes chers amis (1975) de Mario Monicelli et pointe aux génériques de plusieurs polars urbains transalpins (Commando terreur, Caiano, 1975 ; MKS...118..., Tarantini, 1976 ; La peur règne sur la ville, Rosati, 1976). On note aussi sa présence auprès de Claude Brasseur et de Claudine Auger dans Une langouste au petit déjeuner (Capitani, 1979) ainsi que dans le dernier film du vétéran Riccardo Freda (Murder Obsession, 1981), film où s'ébattent également les sublimes Laura Gemser (l'Emanuelle avec un M au cinéma, je vous le rappelle encore une fois !!!) et Anita Strindberg, une spécialiste du giallo.

Silvia Dionisio en 1970

Silvia Dionisio mettra peu de temps après un terme à sa carrière au cinéma, sa dernière prestation devant une caméra étant une apparition pour un spot publicitaire Campari réalisé par Fellini.

Depuis, elle ne veut plus qu'on lui parle de cinéma et renie tout son passé de starlette du grand écran. Comme c'est triste ! Mais, nous, on l'a pas oubliée !

Publié dans Titres étranges

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