Le Film du jour n°112 : Mon frangin du Sénégal
Un film français de Guy LACOURT (1953) avec Raymond Bussières, Annette Poivre, Noël Roquevert, Louis de Funès, Paulette Dubost, Marcelle Arnold...
Le réalisateur français Guy Lacourt n'a signé que deux films pour le cinéma et tous deux avec le tandem Raymond Bussières - Annette Poivre en vedette. Le costaud des Batignolles (1952) est le premier ; Mon frangin du Sénégal (1953) est le second. Ces deux films sont typiques d'un certain cinéma du samedi soir qui n'avait d'autre ambition que de divertir un public pas trop difficile. L'arrivée de la télévision dans les foyers mit un terme à ce type de films... Maintenant on a Navarro, Julie Lescaut, la télé-réalité et Joséphine ange gardien, c'est vachement mieux, y a pas photo !
Le scénario et les dialogues de Mon frangin du Sénégal sont signés par Norbert Carbonnaux. Ce dernier passera à la mise en scène cette même année 1953 en filmant Les corsaires du bois de Boulogne, toujours avec "Bubu" et sa moitié. Carbonnaux reste dans l'histoire du cinéma français pour Courte-tête (1956), un long métrage qui a su retrouver avec bonheur l'atmosphère des Pieds-Nickelés et dans lequel des acteurs comme Jean Richard, Jacques Duby, Darry Cowl, Louis de Funès, Micheline Dax et Jacques Dufilho s'en donnent à cœur joie. Norbert Carbonnaux a également signé deux adaptations contemporaines d’œuvres de Voltaire : Candide (1960) avec Jean-Pierre Cassel dans le rôle-titre, Pierre Brasseur, Michel Simon et les magnifiques Daliah Lavi et Nadia Gray, puis L'ingénu (1971) avec Renaud Verley et Corinne Marchand.
Annette Poivre et Raymond Bussières (le couple à droite de la photo) dans Les corsaires du bois de Boulogne (Carbonnaux, 1953) (image : www.toutlecine.com)
Mon frangin du Sénégal, l'histoire : Le photographe Jules Pinson est amoureux d'Annette, la fille de l'épicier. Mais celle-ci ne rêve qu'aux héros de films d'aventures, et notamment à Errol Flynn qu'elle admire au "Ciné Palace", le cinéma de son quartier. Pour l'éblouir, Jules, qui côté carrure n'est pas très gâté par la nature, a l'idée de s'inventer un frère jumeau, chasseur de lions en Afrique. Or, voilà-t-y pas qu'un beau jour un véritable lion s'échappe d'une ménagerie voisine. Jules et son "frangin du Sénégal" vont alors devoir réellement passer à l'action. On s'en doute (car nous ne sommes pas nés de la dernière pluie au Film du jour...), des situations imprévues et finalement marrantes vont s'enchaîner. Elles aboutiront comme de bien entendu au mariage de Jules et d'Annette, enfin conquise. Les spectateurs peuvent alors rentrer chez eux, bien contents !
Annette Poivre et Raymond Bussières (au centre) dans L'ami de la famille (1957) de Jack Pinoteau, avec aussi Darry Cowl et Jean-Claude Brialy (image : www.toutlecine.com)
Dans Mon frangin du Sénégal, Jules et Annette sont interprétés par Raymond Bussières et Annette Poivre, couple à la ville et, souvent, à l'écran. Outre dans les trois films cités plus haut, on a pu aussi les voir ensemble dans Quai des orfèvres (Clouzot, 1947), Branquignol (Dhéry, 1949), Justice est faite (Cayatte, 1950), Moumou (Jayet, 1951), Une nuit à Megève (André, 1953), Porte des Lilas (Clair, 1956) et L'ami de la famille (J. Pinoteau, 1957). Ils ont aussi, parfois, poussé la chansonnette en duo (voir la pochette du disque ci-dessous)... mais là, on est vraiment très loin des merveilleux Paulette Merval et Marcel Merkès...
"Vieux machin", un tube (?) chanté par Raymond Bussières et Annette Poivre (image: www.encyclopedisque.fr)
Né en 1907 et décédé en 1982, Raymond Bussières, dit Bubu, est le type même du "comparse petit format, d'extraction populaire, plutôt rigolo, mais capable d'émotion" (Olivier Barrot-Raymond Chirat, Noir & Blanc). Rien ne disposait ce titi parisien à la carrière d'artiste, mais sa rencontre avec Jacques Prévert et sa participation au groupe Octobre entre 1932 et 1936 vont changer sa destinée.
Avant-guerre, il fait de furtives apparitions sur grand écran : Ciboulette (Autant-Lara, 1933), L'hôtel du libre-échange (M. Allégret, 1934), Le récif de corail (Gleize, 1938), Lumières de Paris (Pottier, 1938). Mais c'est dans Nous les gosses (Daquin, 1941) qu'il fait ses vrais débuts en mauvais garçon cherchant à corrompre des enfants. 1941, c'est aussi l'année où il croise sur les planches Annette Poivre (Paule Perron de son vrai nom, née en 1919). C'est le coup de foudre et ils se marient en 1942. Raymond Bussières adopte également la fille qu'Annette Poivre a eue d'un premier mariage (cette fille a également joué dans quelques films sous le nom de Sophie... Sel).
Raymond Bussières, Bernard Blier et Louis Jouvet dans Quai des orfèvres (Clouzot, 1947) (image : www.toutlecine.com)
Pendant l'Occupation, Raymond Bussières joue dans des films aussi célèbres que L'assassin habite au 21 (Clouzot, 1942), Le mariage de Chiffon (Autant-Lara, 1942) ou Adieu Léonard (Prévert, 1943). Puis il participe à plusieurs longs métrages qui appartiennent à l'histoire du cinéma français classique comme Les portes de la nuit (Carné, 1946) avec Yves Montand, Quai des orfèvres avec Louis Jouvet et Bernard Blier, Casque d'or (Becker, 1952) avec Simone Signoret et Serge Reggiani, et Les belles de nuit (Clair, 1952) avec Gérard Philipe.
Parallèlement, sa gouaille parisienne est fortement sollicitée par les réalisateurs de grosses comédies pas toujours très fines comme Henri Diamant-Berger (Mon curé chez les riches, 1952 ; Le chasseur de chez Maxim's, 1953 ; Mon curé chez les pauvres, 1956), Raoul André (Une nuit à Megève, 1953), Jack Pinoteau (L'ami de la famille) ou André Hunebelle (Taxi, roulotte et corrida, 1958).
Brigitte Bardot et Raymond Bussières dans Cette sacrée gamine (Boisrond, 1955) (image : www.toutlecine.com)
Au tournant des années 60, la carrière de Raymond Bussières prend une tournure internationale, toutes proportions gardées. Il fait partie de l'aventure américaine de Fanny (Joshua Logan, 1961), remake hollywoodien totalement improbable du film de Pagnol, côtoie Audrey Hepburn et William Holden dans Deux têtes folles (Quine, 1963) et multiplie les participations à des longs métrages italiens jusqu'au milieu des années 70 : Les mille et une nuits (Bava, 1961), A cheval sur le tigre (Comencini, 1961), Qui êtes-vous, inspecteur Chandler ? (Lupo, 1967), Isabelle, duchesse du diable et de l'amour (B. Corbucci, 1969), La grosse combine (B. Corbucci, 1971), Alléluia défie l'Ouest (Carmineo, 1972), L'homme aux nerfs d'acier (Lupo, 1973), etc.
Annette Poivre et Raymond Bussières en 1965 (image: www.parisenimages.fr, © Noa / Roger-Viollet)
Raymond Bussières n'en continuera pas moins à jouer dans de nombreux films français jusqu'à la fin de sa vie. Parmi ceux-ci, on peut citer La bonne soupe (R. Thomas, 1963), La malédiction de Belphégor (Combret, 1966), Ho ! (Enrico, 1968), Nuits rouges (Franju, 1973), Nuit d'or (Moati, 1976), L'argent des autres (de Chalonge, 1978) et Les sous-doués (Zidi, 1980).
On l'aperçoit pour la dernière fois dans Invitation au voyage (Del Monte, 1982) avec Laurent Malet et Aurore Clément. Annette Poivre lui survivra six ans. On la verra encore deux fois au cinéma, dans La boum 2 (C. Pinoteau, 1982) et dans Suivez mon regard (Curtelin, 1985).