Le Film du jour n°102 : Poussez-pas grand-père dans les cactus !

Publié le par lefilmdujour

Un film français de Jean-Claude DAGUE (1969) avec Francis Blanche, Michel Galabru, Darry Cowl, Marielle Goitschel

Moi qui croyais que c'était grand-mère qu'il fallait pas pousser dans les orties... Bref. Vous avez apprécié Marielle Goitschel sur les skis, elle qui fut championne du monde du combiné à seize ans en 1962, championne olympique du géant en 1964 et championne olympique du slalom en 1968 ? Vous avez kiffé Marielle en vedette de téléréalité pataugeant dans la boue brésilienne et dévorant de grosses chenilles bien gluantes dans "Sortez-moi de là, je suis une célébrité" sur TF1, la chaîne culturelle ? Vous l'aimez en personnalité politique UMP hargneuse dotée du gabarit et de la moustache d'une ex-nageuse d'Allemagne de l'Est ? Alors vous adorerez Marielle Goitschel lorsqu'elle joue les humoristes dans Poussez pas grand-père dans les cactus ! Comment, vous ne me croyez pas ? Jetez un coup d’œil à l'affiche du film ! C'est bien son nom que l'on lit sous ceux de Francis Blanche, Michel Galabru et Darry Cowl !

Marielle Goitschel est aussi apparue dans le documentaire Treize jours en France tourné par Lelouch durant les Jeux Olympiques de Grenoble en 1968 (image: www.freepresse.com)

De toute façon, Marielle Goitschel est une grande comique. N'oublions pas sa prestation en duo avec le regretté Claude Chabrol dans "Droit de réponse" de Michel Polac. "Je ne comprends pas qu'on puisse prendre de l'argent aux riches pour le donner aux pauvres", avait-elle tonitrué pour marquer sa franche opposition à l'impôt sur les grandes fortunes. "Mais, Marielle, parce qu'on ne peut pas faire le contraire !", avait lancé, hilare, le réalisateur. Un grand moment de la télé française...

Poussez pas grand-père dans les cactus, l'histoire : Marié depuis dix ans et réduit à l'esclavage par une épouse acariâtre (Marielle Goitschel), Alphonse Ramier (Francis Blanche) se décide à quitter le domicile conjugal. Après avoir vidé son compte en banque, il se rend à Pigalle pour faire une bringue d'enfer. Bien entendu, la première entraîneuse venue lui allège son larre-feuille... Dans une autre boîte, se rendant compte qu'il n'a plus un sou, il cause un scandale en hurlant qu'il ne paiera pas. Les patrons prennent alors Alphonse pour le truand américain Al Gregor, dont il est le sosie (bonjour les grosses ficelles !). Lorsque surgit le vrai Al Gregor, il s'ensuit des imbroglios interminables à faire pâlir d'envie David Lynch. Tout ça finira bien après un passage échevelé dans un asile de fous. Ramier rentrera dans son village natal sous les vivats de la population qui s'est enfin découvert un "héros".

Les recoins de l'histoire du cinéma regorgent de personnalités invraisemblables. Tel est le cas de Jean-Claude Dague, né en 1938, réalisateur de ce Poussez pas grand-père dans les cactus ! "peut-être le moins drôle des films comiques jamais réalisé en France" (selon Laurent Aknin dans Cinéma bis : 50 ans de cinéma de quartier). Ancien séminariste, puis baroudeur en Indochine et en Algérie, Jean-Claude Dague n'avait qu'une seule envie : faire du cinéma. Encore faut-il disposer des moyens financiers et artistiques adéquats !

Le premier film réalisé par Jean-Claude Dague (image : www.cinema-francais.fr)

Jean-Claude Dague signe d'abord un petit polar fauché sans grandes vedettes (Le bal des voyous, 1968) avant de tenter sa chance dans la comédie en recrutant trois spécialistes de la grosse rigolade (Galabru, Blanche, Cowl) qui, à eux trois (et sans dénier leur talent), ont enfilé un sacré nombre de nanars dans les années 50, 60 et 70. Cerise sur le gâteau, une Marielle Goitschel encore juvénile toute auréolée de ses médailles olympiques (ce fut la seule incursion de la Yéti des alpages dans le cinéma de fiction). Poussez pas grand-père dans les cactus ! est nul, terriblement nul, mais marche pas trop mal au box-office.

Incursion de Jean-Claude Dague dans le polar érotique (image : www.cinema-francais.fr)

Chemin faisant, Jean-Claude Dague s'attaque au polar érotique en réalisant Désirella (1970) avec Jean-Claude Les brigades du tigre Bouillon en slip kangourou, pris en sandwich entre deux starlettes peu farouches (Sabine Sun et Dominique Delpierre). L'échec est cette fois-ci patent. Mais, plus déterminé que jamais, notre homme continue sur sa lancée et va (idée saugrenue) embaucher le chanteur Ivan Rebroff pour lui confier le rôle principal de L'homme qui vient de la nuit (1971), mélodrame musical improbable avec aussi Sydney Chaplin, l'un des fils de Charlot (voir Autour de lui, que des cadavres !). C'est un nouveau désastre.

Ivan Rebroff joue et chante dans L'homme qui vient de la nuit (Dague, 1971), remake du Chanteur inconnu, film réalisé en 1946 par André Cayatte avec Tino Rossi

Jean-Claude Dague tente alors de monter un film tiré d'un roman d'Auguste le Breton, mais n'arrive pas à boucler le budget. Harcelé par le Breton, sa petite société de production (les Films de la Dague) acculée à la faillite, le réalisateur ne voit plus qu'une seule solution pour continuer à payer ses salariés : attaquer une banque. Mais - tenez-vous bien -, il ne voit rien de mieux, en décembre 1970, que de s'en prendre à celle dont il est le client... en oubliant de dissimuler son visage (si, si, c'est vrai !). Résultat des courses : huit ans de prison. Une expérience traumatisante que Jean-Claude Dague contera dans un bouquin paru en 1981 (Le dénommé), dont il tirera un film éponyme en 1988 (avec, notamment, Philippe Léotard, Michel Galabru et Bernard Fresson).

Dans ce film sorti en 1988, Jean-Claude Dague raconte son expérience de la prison (image : www.cinema-francais.fr)

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Derrière les barreaux, Jean-Claude Dague a en effet sympathisé avec quelques truands notoires (Marcel le Dingue, Bull Rosenthal, des patronymes de poètes...) et, à sa sortie de prison en décembre 1976, dans l'impossibilité de renouer avec le cinéma, Jean-Claude Dague se met à bosser pour le milieu.

Il va en particulier participer à des casses commandités par des hommes politiques véreux afin de récupérer de l'argent pour financer des campagnes électorales. Info ou intox ? C'est en tout cas ce qu'il raconte dans un livre paru en 2005, intitulé Il ne me reste que l'honneur et préfacé par Eric Halphen (un livre qui lui valut l'insigne honneur de venir à la télé sur le plateau de Thierry Ardisson). "Être l'otage de maffieux politiques qui engagent des braqueurs de banque dans le seul but de récolter de l'argent pour financer les campagnes électorales est la vérité que j'ai décidé de révéler pour pouvoir vivre en paix avec ma conscience", a-t-il écrit sur le site www.jeanclaudedague.com, site qui n'existe plus.

En 2006, Jean-Claude Dague a créé l'Association et le journal TOP-ALERTE pour, dixit le fondateur, "lutter contre les injustices de la Justice, abolir les non Droits de l'Homme et que tout être humain soit libre d'exprimer sa pensée et de retrouver ainsi sa dignité".

Pour visionner le témoignage de Jean-Claude Dague lors de l'émission "Tout le monde en parle", cliquez ici.

Ci-dessous, Marielle Goitschel au travail sur le tournage de Poussez-pas grand-père dans les cactus !

Publié dans Titres à nanars

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