La pépée du jour n°12 : Dyanne Thorne (1932-)
Avec la Pépée du jour n°12, le rédacteur en chef du Film du jour s'est retrouvé face à un dilemme. Peut-on stricto sensu considérer Dyanne Thorne comme une pépée ? Dans le monde impitoyable du cinématographe, qui dit « pépée » sous-entend en effet « poupée », un terme qui rime en général avec fragilité... tout du moins émotionnelle. Les lecteurs assidus de la Pépée du jour le savent bien, les jeunes femmes décrites dans cette rubrique unanimement appréciée ont parfois très mal vécu leur célébrité (puis leur retour à l'anonymat).
Rien de tel toutefois avec Dyanne Thorne, maîtresse femme passée maître (c'est le cas de le dire) dans le maniement du fouet et des instruments contondants, comme le prouve la photo ci-dessous... Et rien dans le physique remarquable et particulièrement « gonflée » de la dame ne laisse poindre la moindre parcelle de faiblesse, de langueur ou d'apathie... Sans parler de ses rôles !
Fouette cocher ! (image : www.nanarland.com)
Car c'est à plus de 40 ans que Dyanne Thorne trouva au cinéma LE grand rôle de sa vie : celui d'Ilsa, la matonne nazie, dans Ilsa, la louve des SS (Edmonds, 1974), film également connu sous le titre beaucoup plus fleuri des SS étaient là, les Gretchens aussi ! Ce long métrage est le premier opus d'une trilogie qui narre avec moult détails scabreux les exploits d'une blonde imposante à forte poitrine et d'un sadisme irrécupérable et malsain. Extrêmement tatillonne sur le règlement, la teutonne Ilsa est chef-doctoresse des Veuves noires du 3ème Reich et soumet les prisonniers d'un camp à de très, très, mais alors très, mauvais traitements. Selon Cinéma bis, 50 ans de cinéma de quartier de Laurent Aknin, « le film mélange sexe et tortures de manière extrême et gratuite, mais cet excès même, renforcé par le physique et le jeu outré de Dyanne Thorne, le renvoie avant tout du côté des bandes dessinées pour adultes ». Si vous avez du courage (il en faut...), vous pouvez visionner la bande-annonce ci-dessous. Attention, certaines scènes peuvent choquer !
Dyanne Thorne en gardienne SS dans Ilsa, la louve des SS (Edmonds, 1974)
Mais, même si certains condamnent à raison ce genre de film, il ne faut pas forcément y voir une quelconque idolâtrie, et encore moins apologie, de la barbarie nazie. Comme l'écrit le magazine Mad Movies, il ne s'agit que de « fantasmes d'opérettes, proches des bandes dessinées SM américaines et flanqués d'une esthétique grand-guignolesque ».
Entre 1973 et 1977, dans la foulée du « succès » de Portier de nuit (Cavani, 1973), film où s'affrontaient dans des rapports sadomasochistes un ancien officier SS (Dirk Bogarde) et une déportée (Charlotte Rampling), se sont ainsi multipliées les bandes américaines, françaises, italiennes où se mélangent allègrement filles plus ou moins nues, nazi(e)s plus ou moins sadiques, barbelés plus ou moins factices et tortures plus ou moins raffinées. Les spécialistes férus de cinéma bis les rassemblent sous les noms de nazisploitation, svastika-pornos, erosvastikas ou bien encore gestaporns. Il s'agit en quelque sorte de films de "prisons de femmes" à connotation érotique transposés avec un goût plus que douteux (pour ne pas dire crapoteux) dans l'univers concentrationnaire.
Helga, la louve de Stilberg (Gartner, 1977), un autre exemple de film de nazisploitation (quoique transposé dans une dictature fasciste non précisée). Mais, ici, c'est Malisa Longo qui s'y colle ! (image : www.encyclocine.com)
Née en 1932 et dotée de deux arguments pneumatiques de premier choix, Dyanne Thorne avait travaillé son talent dramatique à l'Actors' Studio de Lee Strasberg et Stella Adler... Rappelons néanmoins que ce passage considéré comme obligé par certains acteurs américains n'est pas forcément un gage de qualité, vu le cabotinage éhonté pratiqué par certains élèves assidus de cette école new-yorkaise, James Dean en tête.
En 1959, Dyanne Thorne arrive à décrocher un tout petit rôle dans Qui était donc cette dame ? de George Sidney, avec le couple à la ville comme à l'écran Janet Leigh et Tony Curtis. Malheureusement, ce coup d'essai ne met pas le pied à l'étrier de l'actrice en herbe et pendant plus d'une dizaine d'années, elle galère entre pièces de théâtre, séries TV et quelques films érotiques et d'horreur fauchés. On notera notamment une apparition de notre blonde platine distendue du bustier dans Les aventures érotiques de Pinocchio de Corey Allen en 1971, apparition qui ne laisse pas de bois notre pantin favori ! La photo qui suit en est la preuve...
Dans Les aventures érotiques de Pinocchio (C. Allen, 1971) avec Dyanne Thorne, le pantin de Geppetto n'a pas que le nez qui s'alllonge... (image : www.noosphere.com)
Puis vint Ilsa, la louve des SS, et Dyanne Thorne accéda à une sorte d'immortalité. Voilà ce qu'en dit la Cinémathèque de Toulouse qui projeta la chose en mai 2004: « Le film réussit le difficile pari, malgré les dérapages voyeuristes qui le menaçaient, de transposer les codes du cinéma bis érotico-violent au sein même de la barbarie ». Et le responsable de la programmation d'ajouter: « Observez bien Ilsa et vous apercevrez peut-être, par delà son masque blafard et déjà fatigué, l'un des plus grands traumatismes du XXème siècle ». Mais où a-t-il été chercher tout ça ? Quoi qu'il en soit, l'actrice va interpréter par trois fois ce personnage qui lui collera ad vitam aeternam aux basques. Le premier volet fut suivi par Ilsa, gardienne de harem (Edmonds, 1975) et par Ilsa, la tigresse du goulag (Lafleur, 1977). Du nazisme au stalinisme, il n'y a qu'un pas pour Frau Doktor Ilsa !
Dyanne Thorne toujours aussi « magistrale » dans Ilsa, gardienne du harem (Edmonds, 1974) (image : www.cinemotions.com)
Si Dyanne Thorne accède ainsi à la célébrité internationale, la médaille a son revers, car elle se voit définitivement grillée auprès des professionnels de la profession (et, dommage collatéral, son mari de l'époque, qui est juif, la bat froid...). Oui, mais c'était sans compter sur le fameux Jesus Franco. Charitable, le réalisateur espagnol la fait jouer en 1977 dans... une pâle imitation des films précédents intitulée poétiquement Pénitencier des femmes perverses et également connue sous les noms de Greta la tortionnaire ou Ilsa, ultimes perversions... Cette fois-ci, le spectateur est transporté en Amérique Latine, où une femme cruelle dirige de main de fer un camp de concentration pour femmes déguisé en asile psychiatrique... Dyanne Thorne ne s'en relèvera pas. Elle raccroche définitivement l'uniforme, la badine et le fouet et disparaît des écrans.
Dans les années 80, notre amie se reconvertit dans l'organisation de spectacles à Las Vegas. Depuis, elle a trouvé la foi et créé sa propre chapelle baptisée « Cercle international de la prière par la science et l'esprit ». Dyanne et son mari font aussi dans le mariage... Décidément, les voies du Seigneur sont impénétrables !
Ajoutons qu'un hommage à Dyanne Thorne a été rendu en 2006 par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. Parmi les (fausses) bandes-annonces qui accompagnèrent la sortie américaine de leur diptyque Boulevard de la mort/Planète terreur, hommage au cinéma d'exploitation des années 70 et 80, on pouvait en effet admirer celle de Werewolf Women of the SS, gloubiboulga décomplexé mixant loups-garous, savants nazis fous et pépées blondes sexy engoncées dans des uniformes SS, en une sorte de réminiscence des « erosvastikas » des années 70. Visionnez ci-dessous la bande-annonce pas à piquer des hannetons réalisée par Rob Zombie.
Succédané de Dyanne Thorne, Sybil Danning (ici avec Udo Kier) joue l'une des infernales sœurs jumelles Krupp dans la fausse bande-annonce de Werewolf Women of the SS réalisée par Rob Zombie en 2006