Jean Aymar de Thou dit tout : Black Swan
Darren Aronofsky, 2010, film sorti en salles le 9 février 2011
Black Swan n'a rien d'un canard boiteux dans la filmographie de Darren Aronofsky. Bien au contraire. Après The Wrestler et son catcheur cabossé par les coups et la vie, le réalisateur s'attache à nouveau à un être dont l'existence est dévorée par sa passion, ici la danse classique.
En danseuse étoile névrosée, parano et schizophrène, Natalie Portman est époustouflante. Filiforme et presque enlaidie par sa maigreur, l'actrice est totalement crédible en jeune femme obnubilée par sa quête d'une perfection qui la coupe de toute émotion. Un défaut que ne cesse de lui reprocher un chorégraphe manipulateur et salace (Vincent Cassel, parfait), et qu'elle tente par tous les moyens de gommer.
Il faut dire que l'entourage de notre héroïne au bord de la folie n'est guère propice à un retour à la raison, coincée qu'elle est entre une mère abusive et possessive (Barbara Hershey), une étoile de la scène vieillissante et dépressive (Winona Ryder, qui fait là un retour sur grand écran après avoir disparu des radars pendant plusieurs années) et une jeune danseuse décomplexée et quelque peu arriviste (Mila Kunis, sublime).
Tourné en 16 mm, d'où un aspect granuleux proche du cinéma documentaire, Black Swan arrive à faire ressentir de manière viscérale l'engrenage dans lequel s'enferre inexorablement le personnage principal (cette sensation est proche de celle que l'on pouvait "apprécier" à la fin de Requiem for a Dream du même Aronofsky). A cet égard, les dernières vingt minutes du film, qui donnent à voir la première du "Lac des cygnes" avec notre danseuse étoile en vedette touchée (enfin) par la grâce, sont remarquables. Un grand moment de cinéma !
Jean Aymar de Thou