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Ciné glouglou n°9 : USS Alabama
Publié le
par lefilmdujour
Un film de Tony SCOTT (1995) avec Denzel Washington, Gene Hackman, George Dzundza, Viggo Mortensen, James Gondolfini...
Attention, chef d’œuvre du genre ! On est sérieux, là. Foin des apprentis nanars et autres films de stock médiocres. USS Alabama, c’est du lourd et votre serviteur est très heureux d’aborder ce monument (vous lui pardonnerez donc de se montrer plus disert que d’habitude). A bien des égards, en effet, Crimson Tide (le titre original) représente le mètre étalon indépassable du ciné glouglou. Les trois figures imposées du genre (l’affrontement des chefs, le combat de torpilles, la chute dans les abysses) obtiennent sans problème la note maximale du jury et aucun film n’a fait mieux à ce jour.
Pour le pitch, faisons court : USS Alabama, c’est Docteur Folamour version dramatique. Scénario mince, donc, mais tout le mérite de Tony Scott est d’en tirer une œuvre parfaite et haletante jusqu’à l’ultime seconde.
Commençons par l'un des atouts essentiels du film : la bande-son. On sait qu’une bonne musique originale ou des choix d’œuvres judicieux peuvent grandement participer à la réussite d’un long métrage. Mais il est très rare que la musique soit à ce point forte et appropriée qu’elle en devienne un des ressorts majeurs. Or c’est le cas ici. La musique est l’œuvre de Florian Hans Zimmer. Lancé par Rain Man, le compositeur est déjà intervenu en 1995 sur des films tels que Black Rain (Ridley Scott), Jours de tonnerre (Tony, le frère, déjà) ou Backdraft (Ron Howard). Il a signé l’année précédente la musique du Roi lion et obtenu son seul et unique Oscar. Arrive donc Crimson Tide. Et là, le père Zimmer lâche les chevaux, dans tous les sens du terme. D’abord en innovant sur la matière sonore. Il mélange pour la première fois un orchestre symphonique aux sons de la musique électronique (allant jusqu’à ajouter une batterie à son fameux « riff » Roll Tide). Il saupoudre en outre le tout de chœurs impressionnants. Le procédé, loin de plomber l’affaire, est une réussite totale. Surtout, notre compositeur se souvient de ses origines allemandes et pond un thème qui ne déparerait pas dans l’œuvre de Beethoven.
Pour la petite histoire, et pour situer le niveau du bonhomme, sachez que c’est lui qui signera la musique de La ligne rouge de Terence Malick, trois ans plus tard. Une musique qui, dans un registre tout à fait différent, est la plus belle que votre serviteur ait jamais entendue au cinéma.
Revenons aux images. Il n’y a pas de faille dans USS Alabama. Tout est parfaitement exécuté, tous les acteurs sont excellents. Tout est crédible. Mais le film de Tony Scott atteint les sommets quand il aborde le conflit des chefs. L’affrontement entre le vétéran Frank Ramsey (Gene Hackman) et son second Ron Hunter (Denzel Washington) est inoubliable et constitue, pour tout dire, un grand moment de cinéma.
L’affaire n’était pourtant pas pliée d’avance. Comment un acteur aussi lisse que Denzel Washington pouvait donner le change face à l’immense et truculent Gene Hackman ? Rendons grâce à Tony Scott d’avoir vu juste. Frank Ramsey, c’est la lave. Ron Turney, c’est la glace. Le premier est impulsif, déterminé, presque violent. Le second incarne la raison et la prudence mais il est tout autant déterminé. Frank Ramsey veut tirer le premier. Ron Turney s’accroche au règlement. A la clé, il y a l’holocauste nucléaire. Leur affrontement va atteindre une intensité inégalée dans le ciné glouglou. De fait, les défauts d’acteur de Denzel Washington deviennent, dans les circonstances du récit, des atouts qui relèvent la sauce. Loin d’être écrasé par la personnalité de son aîné, il soutient son assaut et finit même, parfois, par le supplanter. Tony Scott signe là un véritable masterpiece en terme de direction d’acteurs. La scène menant à la mise aux arrêts du commandant est d’une puissance d’expression et d’une violence verbale rares.
Ce film, qui rend mieux que d’autre gloire à l‘US Navy, n’a obtenu aucun soutien de l’armée américaine. Raison invoquée : l’armée ne saurait cautionner une histoire de mutinerie. « Stupides Ricains », a dû pester Tony Scott. Renversement d’alliance historique : le réalisateur anglais a été sauvé par la Marine française qui a décidé de lui apporter l’aide refusée par les Américains ! Ceci explique pourquoi le reporter de CNN est filmé sur le pont du porte-avion Foch au début et à la fin du film.