William Friedkin (1935-2023)

Publié le par lefilmdujour

Réalisateur des deux méga-succès internationaux que sont French Connection (1971), Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur à la clé, et L'Exorciste (1973), qui a terrorisé toute une génération, l'Américain William Friedkin est décédé le 7 août 2023 à l'âge de 87 ans. 

Né en 1935, le réalisateur débute sa carrière à la télévision en tournant de nombreux documentaires. Il y réalise également quelques épisodes de la série Alfred Hitchcock présente... A cet égard, Peter Biskind rapporte une anecdote dans son ouvrage intitulé Le Nouvel Hollywood : "Le jour où il rencontra Hitchcock, qui venait filmer sa célèbre introduction aux épisodes, les seuls mots que le célèbre metteur en scène eut pour le jeune réalisateur furent : "Mr. Friedkin, vous ne portez pas de cravate". Friedkin pensait qu'il plaisantait, mais ce n'était pas le cas".

William Friedkin quitte la télévision en 1967 pour réaliser son premier long métrage intitulé Good Times, vague plagiat des films des Beatles... mais ici avec le couple de chanteurs Sonny & Cher. Le tout se solde par un bide retentissant mais ce premier essai n'en est pas moins suivi de trois adaptations de pièces de théâtre pour le cinéma, dont Les Garçons de la bande en 1970, huis clos assez en avance sur son époque puisque se passant dans le milieu homosexuel.

Au même moment, Friedkin fréquente Kitty Hawks, la fille du grand Howard Hawks (le metteur en scène de films aussi célèbres et célébrés que Le Port de l'angoisse, Le Grand sommeil, Les Hommes préfèrent les blondes ou Rio Bravo).

Le jeune réalisateur a donc l'occasion de rencontrer son illustre aîné qui affiche alors plus de 70 ans au compteur. Selon Peter Biskind, Hawks lui dit : "Je ne sais pas pourquoi tu fais des films comme ça. Les gens n'en ont rien à foutre des problèmes des autres, de toutes ces merdes psychologiques. Ce qu'ils veulent, c'est de l'action. Chaque fois que j'ai fait un film qui bougeait, avec plein de bons et de méchants, ça a eu beaucoup de succès". "Ce jour-là, ça a été comme si quelqu'un m'avait donné une clé alors que j'ignorais qu'il existait une serrure, avoue Friedkin. Et ça a donné... French Connection".

Bien lui en a pris puisqu'il décroche l'Oscar du meilleur réalisateur pour ce film en 1972, au nez et à la barbe de Stanley Kubrick (Orange mécanique, 1971), Norman Jewison (Un violon sur le toit, 1971), Peter Bogdanovich (La Dernière séance, 1971) et John Schlesinger (Un dimanche comme les autres, 1971).

French Connection reçoit aussi l'Oscar du meilleur film, tandis que Gene Hackman, l'acteur principal du film, repart avec l'Oscar du meilleur acteur. Suivent L'Exorciste, puis Le Convoi de la peur (1977), remake du célèbre Salaire de la peur (1953) de Clouzot, avec Roy Scheider et Bruno CremerLe Convoi de la peur est pourtant considéré par certains critiques de cinéma (ceux de Positif en tête) comme le film le plus personnel de William Friedkin... Fort coûteux et très ambitieux, le long métrage se vautre malheureusement au box-office et le réalisateur devra regagner la confiance des producteurs en signant une "petite" comédie, Têtes vides cherchent coffre plein (1978) avec notamment Peter Falk et Gena Rowlands.

William Friedkin retrouve par la suite des sujets plus ambitieux et, surtout, nettement plus noirs, violents voire malsains... Des domaines où le réalisateur excelle. Dans les années 1980, le réalisateur  signe quasiment coup sur coup deux films considérés aujourd'hui comme des œuvres cultes : Cruising/La Chasse (1980) et Police fédérale Los Angeles (1985).

Le premier raconte la plongée d'un flic infiltré dans le milieu gay SM et lancé à la recherche d'un tueur en série. Même si les relations entre Al Pacino et Friedkin virèrent au vinaigre sur le tournage, il faut quand même reconnaître que l'acteur y est impressionnant. Avec William Petersen et William Dafoe au casting, Police fédérale Los Angeles narre, sur le mode désespéré et avec un ton insolite, la lutte à mort entre un policier suicidaire et un faussaire assassin. "Un thriller où tout le monde trompe tout le monde", résume Jean Tulard dans son Guide des films.

Dans les années qui suivent, William Friedkin boucle notamment, dans une relative indifférence, Le Sang du châtiment (1988), long métrage sur le phénomène des sectes avec Martin Sheen, La Nurse (1990), un film d'horreur, Jade (1995), un thriller dans la lignée de Basic Instinct avec Linda Fiorentino, L'Enfer du devoir (2000), avec Samuel L. Jackson en ancien du Vietnam passant en cour martiale pour avoir tiré sur des émeutiers au Yémen, et Traqué (2003) avec Tommy Lee Jones et Benicio del Toro.

Mais le réalisateur revient au premier plan avec le film de fiction Bug (2006), très favorablement accueilli par la critique et le public. Le film décrit la descente aux enfers d'une femme marginale (une Ashley Judd remarquable) qui recueille chez elle un vétéran de la guerre du Golfe paranoïaque (Michael Shannon, déjà impressionnant, bien avant Take Shelter). Une œuvre totalement maîtrisée qui plonge le spectateur dans l'effroi le plus total. Midinettes, fleurs bleues, cœurs tendres et amateurs de Sissi s'abstenir !

Son long métrage suivant, Killer Joe (2011), avec Matthew McConaughey et Emile Hirsch, est également une petite perle. Après plus de dix ans d'absence, le réalisateur était récemment repassé derrière la caméra avec The Caine Mutiny Court-Martial, adaptation du roman Ouragan sur le Caine (déjà adapté à l'écran dans les années 1950 avec Humphrey Bogart) et de sa transposition en pièce de théâtre. Le film sera présenté en avant-première à la prochaine Mostra de Venise.

Côté vie privée, William Friedkin a été marié quatre fois. Sa première épouse (1977-1979) n'est autre que Jeanne Moreau, qui, elle, en était à son troisième mariage. Friedkin passa ensuite la bague au doigt de l'actrice britannique Lesley-Anne Down (1982-1985), dont il eut un fils, puis à celui de l'actrice américaine Kelly Lange (1987-1990), rencontrée sur le tournage de son film Le Coup du siècle (1983). Le réalisateur était marié depuis 1991 à Sherry Lansing, qui devint en 1992 la présidente du studio Paramount. Friedkin a également eu un fils de sa liaison avec la danseuse australienne Jennifer Nairn-Smith (entraperçue dans Riches et célèbres de Cukor en 1981).

Publié dans Claps de fin

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