Ruggero Deodato (1939-2022)
Réalisateur du fameux Cannibal Holocaust (1979), « chef-d’œuvre » du cannibalisme à l'écran, l’Italien Ruggero Deodato est décédé le 29 décembre 2022 à l’âge de 83 ans.
Deodato fait ses premières armes au cinéma en tant qu'assistant réalisateur de Roberto Rossellini (qui, lui, n'en a croqué que pour Ingrid Bergman), Riccardo Freda, Sergio Corbucci et surtout Antonio Margheriti, en particulier sur La Terreur des Kirghiz (1964) - qu'il coréalise sans être crédité au générique. C'est en 1967 que Ruggero Deodato passe officiellement à la mise en scène en bouclant coup sur coup un film de super-héros un peu mou du genou, Phénoménal et le trésor de Toutankhamon, et un film d'aventures exotiques, La Panthère nue, signés tous deux sous le pseudonyme de... Roger Rockfeller.
En 1969, le réalisateur verse dans l'érotisme de bon aloi mâtiné de film en costumes (ou le contraire) avec Zenabel (a.k.a. Faut pas jouer avec les vierges) où la dénommée Zenabel, forte de principes féministes avant-gardistes pour l'époque, forme une armée de femmes prêtes à infiltrer les orgies d’un usurpateur afin de récupérer le duché dont elle est l’héritière. (Le film est disponible depuis peu en France en DVD/Blu-ray auprès de l'éditeur Le Chat qui fume.)
Si, au début des années 1970, Ruggero Deodato travaille pour la télévision et signe de nombreuses publicités, il réalise en 1975 un giallo érotique avec son épouse et actrice Silvia Dionisio (Una ondata di piacere) et en 1976 un polar (d'assez bonne facture paraît-il) intitulé Uomine si nace poliziotti si muore (1976) avec Marc Porel et Ray Lovelock en beaux gosses de services, membres d'un corps d'élite de la police romaine.
En 1976, Ruggero Deodato frappe un grand coup en tournant Le Dernier monde cannibale, œuvre phare de l'anthropophagie sur grand écran. Dans ce film, Deodato joue la carte du réalisme pur et dur, l'histoire étant, nous dit-on, tiré d'un fait réel : un avion avec quatre passagers s'écrase dans la jungle et les rescapés sont agressés par des cannibales qui leur font subir les pires atrocités.
« Je n'ai pas tourné un film d'horreur mais un film néo-réaliste, un film de vérité, un film à thèse, insiste néanmoins le réalisateur dans un entretien sur le site www.nanarland.com. Ça m'a catalogué comme cinéaste d'horreur mais je n'aime pas ça... J'aime la réalité, les films vrais, je n'aime pas la science-fiction, le fantastique. » Dans Le Dernier monde cannibale, le réalisateur fait d'ailleurs appel à de véritables aborigènes en les dirigeant par grognements interposés (dixit la légende).
Deux ans après ce coup d'essai (ou cette mise en bouche si l'on préfère), Ruggero Deodato signe donc Cannibal Holocaust. Ici, l'armée découvre la caméra de quatre explorateurs disparus dans la jungle amazonienne. En développant la pellicule et en donnant la vision de son contenu aux spectateurs, contenu présenté comme véridique (un principe qui sera repris quelques années plus tard par les petits malins du Projet Blair Witch), on découvre les horribles exactions commises par les Européens sur les indigènes et la vengeance de ces derniers. Rien ne nous est épargné ! Viols, sacrifices rituels, mises à mort d'animaux (véridiques malheureusement...), indigènes empalé(e)s, éviscérations, éventrements, etc. il y en a pour tous les goûts...
Le film vaut à Ruggero Deodato quelques démêlés avec la justice. Il doit notamment prouver devant une cour de justice que Cannibal Holocaust n'est pas un "snuff movie", c'est-à-dire un film avec de vrais meurtres dedans. Chose qui est faite en présentant les acteurs devant ces messieurs les juges... Par la suite, le réalisateur remettra le couvert avec les cannibales en signant Amazonia, la jungle blanche (1985) mais, toutefois, avec nettement moins de succès.
On doit aussi à Deodato La Maison au fond du parc (1976), qui raconte la nuit d'enfer que font vivre deux détraqués à une bande de jeunes. Dans la veine de La Dernière maison sur la gauche (1972) de Wes Craven, viols, tortures et meurtres en tout genre sont, une fois de plus, au programme ! Autant dire que le film est, lui aussi, très controversé à sa sortie !
Ruggero Deodato se calme quelque peu par la suite en signant des nanars comme Les Prédateurs du futur/Atlantis Interceptors (1983), un film d'action à la sauce post-apocalyptique, ou encore Les Barbarians (1986), un sous-Conan le barbare avec un couple de jumeaux culturistes incroyables, Peter et David Paul.
A mettre également au compte de Ruggero Deodato un film-catastrophe (SOS Concorde, 1978 avec James Franciscus et Mimsy Farmer), un "slasher" lorgnant du côté de Vendredi 13 (Bodycount/Le Camping de la terreur, 1986), un giallo (très) tardif avec Edwige Fenech (Le Tueur de la pleine lune, 1988) et, une fois n'est pas coutume, une comédie toute gentillette avec tout plein d'enfants mignons comme tout (Petites canailles, 1992).
Le cinéma italien périclitant dans les années 1980, le réalisateur travaille par la suite essentiellement à la télévision.
A noter que Ruggero Deodato fait une apparition en forme de clin d’œil dans Hostel II (2007) d'Eli Roth (photo ci-contre) qui rend ainsi une sorte d'hommage au réalisateur. Deodato y joue le rôle du... cannibale italien ! Et le spectateur de s'esclaffer devant tant de bon goût... entre deux scènes de torture plus ou moins raffinées. Eli Roth a d'ailleurs réalisé en 2014 un remake plus ou moins officiel de Cannibal Holocaust avec Green Inferno.
Ruggero Deodato avait signé un dernier long métrage en solo en 2016 avec Ballad in Blood et participé en 2019 au film collectif Deathcember en en réalisant l’un des 24 segments.