Jean-Marie Straub (1933-2022)

Publié le par lefilmdujour

Dans une introduction aux transcriptions de deux rencontres organisées avec les cinéastes Jean-Marie Straub et Danièle Huillet par le ciné-club de la faculté de Strasbourg puis par l’École nationale des beaux-arts du Mans en 1993 et 1994, on lit : « Il y a dans les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet une économie essentielle qui organise un espace visuel et sonore absolument présent, où chaque événement est principal et laisse au spectateur, lui-même acteur de sa présence, la liberté entière d’interpréter, de penser. Cette économie formelle rigoureuse, où jouent en relations infiniment mêlées, les personnages, la musique, les textes, les paysages, les voix, l’architecture, les bruits – le monde en somme – est la condition d’une transfiguration poétique qui habite chacun de leurs films… » Douze ans après la disparition de Danièle Huillet (1936-2006), Jean-Marie Straub est décédé le 20 novembre 2022 à l’âge de 89 ans.

Le couple de cinéastes a exercé un cinéma difficile, peu connu du grand public, en privilégiant les « adaptations » de textes littéraires ou d’œuvres musicales. Le style est dépouillé et austère et s’appuie sur « un langage qui privilégie le regard et l’écoute en préservant le temps de la contemplation et de l’imprégnation » (id.). Après deux films d’après Henrich Böll (Machorka-Muff et Non réconciliés), Straub et Huillet, qui tournent d'abord en Allemagne, Straub ayant refusé de combattre en Algérie et quitté la France,  livre Chronique d’Anna Magdalena Bach (1967), une mise en scène de la vie de la deuxième épouse de Bach (incarné à l’écran par le claveciniste et chef d’orchestre Gustav Leonhardt) à partir de manuscrits, de comptes rendus d’époque, de lettres…

Installé en Italie à partir de la fin des années 1960, le couple, en toute indépendance vis-à-vis de l’industrie cinématographique, va écrire, réaliser, monter et produire une trentaine d’œuvres, un travail que Jean-Marie Straub continuera seul après le décès de Danièle Huillet.

On citera, parmi les œuvres les plus « connues », Othon (1969), d’après la tragédie de Corneille, Moïse et Aaron (1974), adaptation filmée de l’opéra d’Arnold Schoenberg, De la nuée à la résistance (1979), d’après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese, Amerika rapports de classes (1984) d’après Kafka, La Mort d’Empédocle (1986) d’après Hölderlin, Cézanne (1989), qui retrace en 50 minutes la vie du peintre, Du jour au lendemain (1996), adaptation d’un opéra en un acte de Schoenberg, Ces rencontres entre eux (2006), qui met en scène les dieux de l'Olympe réfléchissant sur le destin et l'immortalité…

En 2001, Straub et Huillet avaient fait l’objet d’un documentaire cinématographique réalisé par Pedro Costa : Où gît votre sourire enfoui ? En 2006, ils s’étaient vu décerner lors de la Mostra de Venise un prix spécial pour l’ensemble de leur œuvre, saluant son « innovation dans le langage cinématographique ».  

Publié dans Claps de fin

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