Jean-Pierre Bacri (1951-2021)
C’est peut-être dans Le Sens de la fête (2017) d’Olivier Nakache et Éric Toledano, l’un de ses derniers films - où il est un organisateur de mariages luttant contre vents et marées pour réussir la soirée qu’on lui a confiée – que Jean-Pierre Bacri, disparu le 18 janvier 2021 à l’âge de 69 ans, a figé ad vitam æternam l’archétype du « héros » qu’il a créé au cinéma : un homme à la fois râleur et touchant, un loser à la réplique qui fait mouche et qui appuie là où ça fait mal, un bougon empreint d’humanité.
C’est au théâtre que Jean-Pierre Bacri débute à la fin des années 1970, à l’écriture et sur scène. Il apparaît pour la première fois sur grand écran dans Le Toubib (1979) de Pierre Granier-Deferre mais il se révèle vraiment chez Alexandre Arcady dans Le Grand pardon (1981) où il interprète un proxénète, neveu du « parrain » de la famille Bettoun incarné par Roger Hanin. Sa carrière d’acteur est lancée.
Jean-Pierre Bacri devient un second rôle de luxe chez Diane Kurys (Coup de foudre, 1982, où il est le mari de Miou-Miou), Claude Pinoteau (La 7e cible, 1984), Luc Besson (Subway, 1984, où son rôle d’inspecteur Batman lui vaut une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle, tout comme ses partenaires Jean-Hugues Anglade et Michel Galabru), Jean-Charles Tacchella (Escalier C, 1984), Jean-Pierre Mocky (Les Saisons du plaisir, 1987), Pierre Tchernia (Bonjour l’angoisse, 1988)…
Dans Mort un dimanche de pluie (Santoni, 1986), il forme avec Nicole Garcia un couple aisé en butte à un duo de psychopathes. Dans L’été en pente douce (Krawczyk, 1986), il partage le haut de l’affiche avec Pauline Lafont et Jacques Villeret. Dans Mes meilleurs copains (1988) de Jean-Marie Poiré, film aujourd’hui devenu culte, il est à la fois drôle et touchant dans le rôle de Guido, concepteur dans la publicité et homosexuel abstinent malgré lui, entouré par ses amis de jeunesse joués par Gérard Lanvin, Christian Clavier, Philippe Khorsand et Jean-Pierre Darroussin.
Les années 1990 consacrent l’acteur et le scénariste. Avec Agnès Jaoui, sa compagne depuis 1987, ils écrivent Cuisine et dépendances, joué au théâtre en 1991 et couronné par quatre Molière, puis adapté au cinéma en 1992 par Philippe Muyl avec eux-mêmes, Zabou Breitman, Sam Karmann et Jean-Pierre Darroussin. En 1994, le couple décroche le César du meilleur scénario original ou adaptation pour leur travail sur Smoking/No Smoking (1993) d’Alain Resnais.
Une récompense qu’ils décrocheront aussi pour Un air de famille (Klapisch, 1996), adaptation là encore de leur pièce de théâtre, On connaît la chanson (Resnais, 1997), Jean-Pierre Bacri repartant en sus avec le César du meilleur acteur dans un second rôle pour son personnage d’angoissé, et Le Goût des autres (1999), le premier film réalisé par Agnès Jaoui. Dans ce long métrage qui remporte en outre le César du meilleur film, Jean-Pierre Bacri exprime encore tout son talent en incarnant une sorte d’industriel très loin des choses intellectuelles qui tombe amoureux d’une actrice de théâtre et accesoirement prof d'anglais (Anne Alvaro).
Parallèlement, l’acteur est devenu le maître de Didier, chien devenu homme, dans le film du même nom réalisé par Alain Chabat en 1996. (Jean-Pierre Bacri avait été de l’aventure de La Cité de la peur, 1993, la comédie des Nuls réalisée par Alain Berberian, et retrouvera Alain Chabat dans Astérix et Obélix, mission Cléopâtre, 2000, où il est le narrateur, et Santa et compagnie, 2017.)
Le comédien donne aussi la réplique à Catherine Deneuve dans Place Vendôme (1997) de Nicole Garcia (qui fera à nouveau appel à lui dans Selon Charlie, 2006) et joue un homme neurasthénique dans Kennedy et moi (1999) de Sam Karmann où il retrouve Nicole Garcia cette fois-ci actrice.
Jean-Pierre Bacri séduit aussi Claude Berri (Une femme de ménage, 2002, avec Émilie Dequenne) et Noémie Lvovsky (Les Sentiments, 2002, où il complète le quatuor formé par Nathalie Baye, Isabelle Carré et Melvil Poupaud), et tourne encore sous la direction d’Agnès Jaoui : Comme une image, 2003, qui vaut au couple le Prix du scénario au festival de Cannes, Parle-moi de la pluie, 2007, Au bout du conte, 2012, Place publique, 2017.
Dans Adieu Gary (2008), premier film de Nassim Amaouche, l’acteur avait encore tenu un rôle particulièrement touchant en père ronchon du jeune homme sorti de prison joué par Yasmine Belmadi, dans son dernier rôle avant sa disparition tragique en juillet 2009.
Dans les années 2010, Jean-Pierre Bacri avait décroché trois nominations au César du meilleur acteur, pour Cherchez Hortense (2011) de Pascal Bonitzer, La Vie très privée de Monsieur Sim (2015) de Michel Leclerc et Le Sens de la fête, nominations qui s’ajoutaient à celles déjà obtenues pour Kennedy et moi, Le Goût des autres et Les Sentiments.
Finalement, la consécration ultime pour un acteur, Jean-Pierre Bacri l’aura eue au théâtre avec le Molière du comédien pour le rôle de Chrysale dans Les Femmes savantes de Molière en 2017.