L’œil de Crazy Bug : La forme de l'eau
Un film de Guillermo del Toro (2016), sorti en salles le 21 février 2018
S’il y a un reproche que l’on ne peut pas faire à Guillermo del Toro, c’est celui de manquer d’imagination en matière de créatures fantastiques. Après le bestiaire de Hellboy et du Labyrinthe de Pan, voilà notre homme qui réinvente la fameuse Créature du lac Noir des années 1950, faite ici prisonnière à des fins d’étude par de méchants scientifiques et sujet de contentieux entre les Etats-Unis et l’URSS plongés en pleine guerre froide.
Guillermo del Toro refuse toutefois d’ancrer son film dans une contemporanéité trop concrète en immergeant son héroïne, femme de ménage qui va tomber amoureuse du « monstre » amphibie, dans un décor sans âge que ne renierait pas Amélie Poulain. La forme de l’eau baigne dans une certaine forme de nostalgie qui refuse l’ouverture à l’actualité des années 1960 (hormis celles du cinéma avec Histoire de Ruth, film biblique projeté dans la salle située sous l'appartement de l'héroïne) et où pullulent les hommages à la comédie musicale et aux reines de ce genre dans les années 1930 et 1940 (Shirley Temple, Betty Grable, Alice Faye, Carmen Miranda…). Au risque de noyer l'oeuvre sous les références.
Le film est aussi un hommage aux « marginaux », à ceux qui ne sont pas comme les autres, en mettant en avant, outre la créature, une jeune femme handicapée (muette), un vieil homosexuel et une Noire (on est en pleine période de lutte pour les droits civiques des Afro-Américains comme le montre un programme TV promptement remplacé par un autre, plus guilleret).
Le tout se laisse voir sans déplaisir, mais on pourra quand même reprocher au film de c(r)ouler sous les bons sentiments. Le seul qui relève la sauce, c’est finalement le vrai méchant, un agent gouvernemental odieux aux doigts moisis incarné avec délectation par Michael Shannon…
Crazy Bug