Zombie futé n°49 : Pontypool
Un film de Bruce McDonald (2008)
Une déception. Ou, plutôt, une grosse frustration. On pensait tenir là, enfin, le film de référence sur l’Apocalypse vécue depuis une station radio*. Soit un huis clos radical (on ne sort pas de la salle « On Air » ou juste pour aller jusqu’à la machine à café) et on vit le déclenchement et le déroulement d’Armageddon via le témoignage d’auditeurs d’une petite ville de l’Ontario qui se raccrochent désespérément à leur radio locale et surtout à la voix de leur DJ favori, Grant Mazzie. Et on y croit, au départ.
Le film est magnifiquement mis en orbite par un monologue étrange et poétique sur une certaine Mrs. French qui a perdu son chat. Une digression linguistique sur les racines franco-anglaises des mots locaux (nous sommes au Canada) qui cite finalement Norman Mailer. Puis entre en scène notre DJ, sous les traits d’un héros du grand Nord américain, fatigué, désabusé, alcoolique mais grandiose. La photo et la réalisation parfaites (cadre, profondeur de champ très classe) captent ce visage et nous restituent, surtout, cette voix fraternelle, chaleureuse, un peu éraillée. Je ne connaissais pas ce Stephen McHattie (qui présente pourtant une liste impressionnante de seconds rôles) mais sa prestation mérite une nomination aux Oscar (et je pèse mes mots). Et là, on se dit qu’on embarque pour un chef-d’œuvre du genre et même au-delà. D’autant que le scénario nous propose une version très originale du mode de propagation du virus.
Bref, on a tout pour réussir. Et malgré tout, on échoue.
Vous verrez, vous sortirez de ce film avec le même sentiment de gâchis. Et après réflexion vous hésiterez à en trouver la cause principale. Nous en voyons deux, qui touchent chacune au manque de richesse du scénario. Prenons la plus évidente : un tel huis clos repose sur la diversité et la véracité des témoignages reçus par le DJ. Or, bizarrement, ceux-ci sont assez peu nombreux et se limitent pratiquement aux comptes rendus d’un employé de la station qui renseigne habituellement les auditeurs sur le trafic routier et se trouve témoin du déclenchement des hostilités. Pourquoi ne pas avoir plus de témoignages ? C’est assez incompréhensible. Tout est là pour faire monter une mayonnaise formidable et… on oublie la moutarde ! L’autre raison tient à l’originalité du mode de propagation du virus. On n’en dira pas plus car nous vous conseillons de voir ce film et ne voulons rien déflorer. Allez, juste un indice : la baseline du film indique : « Shut up or die! ». Mais cette idée rend la recherche d’une solution (puisque c’est ce à quoi s’évertuent nos protagonistes) très complexe. Comment rendre cela à l’écran ? C’est un véritable challenge et il n’est malheureusement pas relevé. Est-ce possible, cela dit ? Si non, il ne fallait pas la mettre en œuvre dans un film. Si oui, les scénaristes n’ont encore une fois pas fait leur boulot. Mais, pour le coup, on ne peut pas trop leur en vouloir.
Pontypool, s’il restait au niveau de ses dix premières minutes, entrerait directement dans le gotha des cinq meilleurs films du genre, sans hésitation. Du coup, on se prend à rêver d’un scénar écrit par Stephen King, ou, encore mieux, d’une réalisation des frères Coen. Ils appelleraient certainement leur film Grant Mazzie et ce serait un « putain » de chef-d’œuvre.
Tiens c’est pas une mauvaise idée ça. Je la laisse pour pas un rond à tout producteur qui veut la prendre mais à une seule condition : qu’il garde Stephen McHattie comme acteur principal.
Fab Free
*L’idée de l’Apocalypse vécue en direct du point de vue des médias vient du maître Romero. Dans son second opus (Zombie), une longue scène se déroule dans un studio TV, en direct, pendant le déclenchement des hostilités. Signalons également Dead Air, un métrage plus proche de Pontypool puisque ayant pour cadre également une station de radio (et son DJ attitré). Tourné en 2009, ce téléfilm est indigne à tout point de vue.