Ciné passion par Anna le Gésic : Faute d'amour
Un film d’Andreï Zvyagintsev (2016), sorti en salles le 20 septembre 2017
Un grand film. Le réalisateur prend le prétexte de la subite disparition de l’enfant d’un couple qui se sépare avec pertes et fracas, puis des recherches qui s’ensuivent, pour faire le portrait en coupe d’un monde où l’amour et l’empathie ne signifient plus rien, où chacun, enfermé dans sa bulle et le regard et l’attention rivés sur un smartphone omniprésent, ne s’intéresse égoïstement qu’à sa propre existence et à la satisfaction de ses propres envies.
Ici c’est un couple russe en plein divorce qui se lance au visage les pires insultes au risque de heurter la sensibilité d’un enfant qui ne compte plus guère à leurs yeux et dont ils se rejettent la responsabilité.
Mais le film, d’une superbe noirceur et d’une grande beauté formelle, a une portée universelle. Le ton est désespéré, mais il y a quand même un peu d’espoir avec ces bénévoles qui donnent leur temps sans compter pour retrouver le jeune garçon. Il faudra que le père et la mère soient confrontés à l’horreur pour que leurs carapaces d’égoïsme se fendent enfin. Et c’est bouleversant.
On pourra voir aussi dans Faute d’amour un portrait critique de la Russie sous Poutine avec un peuple déshumanisé, comme sous anesthésie alors que se déroulent en arrière-plan sur les écrans de télévision des événements graves (les rumeurs de fin du monde, la guerre en Ukraine notamment). L’un des derniers plans du film avec la mère en survêtement floqué "Russia" qui trottine sur un tapis de course est peut-être le symbole de cette Russie impavide qui fait du surplace. Un très grand film.
Anna le Gésic