Zombie futé n°40 : [*REC]
Un film de Paco Plaza et Jaume Balaguero, 2007
Catégorie zombies infectés à tendance démoniaque.
Extraordinaire petit film à petit budget, tourné en 20 petits jours à Barcelone. Dans l’histoire du film d’horreur, ce métrage jouit d’une réputation incomparable : c’est celui qui fait le plus peur (record à battre). L’exorciste ? Shining ? The Blair Witch Project ? Du pipi de chat comparé à l’ultime scène, là-haut, sous les combles. Une mise en condition de la terreur à l’écran tellement puissante que l’équipe de promo a eu à l’époque de sa sortie l’idée géniale de filmer les réactions du public dans les salles obscures en guise de bande-annonce.
De fait, visionner [*REC] dans une salle de cinéma est une expérience qui peut s’avérer traumatisante. Archétype du found footage (tourné caméra à l’épaule), le film pousse cette technique jusqu’à un point ultime. La caméra portée devient en définitive le personnage principal. On ne verra jamais celui qui la tient et elle filme parfois toute seule, laissée à terre. Elle est le vecteur d’introduction du spectateur dans l’empire de la frayeur et pousse le bouchon jusqu’à un stade proche de l’insupportable quand son champ de vision lors de la scène finale se réduit à son projecteur, puis, in fine, à l’option caméra thermique. Un rétrécissement du champ de perception du spectateur qui induit une intensification proportionnelle de son degré de terreur. Du grand art.
Le pitch : une équipe de télé tourne un reportage de nuit sur les pompiers. Elle embarque pour une mission de routine dans un immeuble. Quelqu’un a entendu des cris venant du deuxième étage gauche. Alors on pénètre, caméra à l’épaule, dans l’appartement. Et là, au fond du couloir… je te dis pas la routine.
On soulignera la virtuosité de la mise en scène. Les trois-quarts du film se passent dans la cage d’escalier et les réals ont opté pour de longs plans-séquences qui ont le don d’immerger un peu plus (si c’était possible) l’innocent spectateur dans cette réalité épouvantable. On n’arrête pas de monter, de descendre, de remonter ces damnés escaliers en croisant des goules de plus en plus immondes. Jusqu’à cette scène finale, donc, dans l’appartement prétendument inhabité tout là-haut.
Et puis il y a autre chose qui explique la réussite et l’impact du film. Les acteurs ne sont pas seulement bons, ils existent à l’écran. On éprouve une empathie inattendue pour ces pompiers et ces locataires pris dans un maelstrom que personne ne comprend. Cela vient de ces longs plans-séquences, de la qualité et l’identité des interprètes et du choix de leur laisser des pans entiers d’improvisation. Paco Plaza et Jaime Balaguero ont par ailleurs réservé à leurs acteurs quelques surprises. Aucun d’entre eux n’est prévenu quand un des pompiers s’écrase sur le sol, par exemple. Ce ne sont pas que les spectateurs qui tremblent. Les acteurs aussi. Et la caméra tourne.
Plans-séquences, impro, mise en abîme des acteurs : ne riez pas, il y a du Cassavetes dans [*REC]. Si, si !
Une dernière remarque : les hurlements. Vous n’en entendrez plus d’aussi terrifiants. A vous faire dresser les poils sur la peau.
La routine, on vous dit.
Fab Free