Madeleine Lebeau (1923 – 2016)
L’actrice française Madeleine Lebeau, qui fut l’épouse de Marcel Dalio et qui connut sa petite heure de gloire dans le cinéma français populaire des années 1950, est décédée le 1er mai 2016 à l’âge de 92 ans.
Madeleine Lebeau, Française par l'état civil, avait débuté à l’écran à Hollywood. L'œil perçant du spectateur affuté l'aura aperçue dans le célèbre Casablanca (1943) aux côtés de Humphrey Bogart : c'est elle la jeune femme qui chante la Marseillaise dans le bar de Rick face à Bogey et Ingrid Bergman. On la retrouve également au générique de l’excellent Gentleman Jim (Walsh, 1942), film sur le boxeur américain Jim Corbett interprété par Errol Flynn.
Comment la jeune Française en était-elle arrivée là ? Toute jeunette, elle avait épousé en 1938 le fameux acteur Marcel Dalio, de 23 ans son aîné. Fuyant Paris en 1940 avec son mari - dans le collimateur des nazis de par ses origines -, elle s'était tout naturellement retrouvée à Hollywood au sein de la communauté des artistes français exilés (Charles Boyer, Jean Gabin, Michèle Morgan, etc.).
Madeleine Lebeau dans Les chouans (Calef, 1946)
Divorcée de Dalio en 1942 et de retour en France à la Libération, Madeleine Lebeau marque de son élégance le rôle de l'espionne amoureuse du marquis antirévolutionnaire Jean Marais dans Les chouans (Calef, 1946), assez belle œuvre inspirée de Balzac. Malheureusement, les choses se gâtent rapidement pour la jeune femme. Certes, ce sont bien des premiers rôles que l'actrice décroche... mais dans le cinéma le plus décourageant des années 50.
Après Et moi j'te dis qu'elle t'a fait d'l'œil (Gleize, 1960), Madeleine Lebeau s'affiche ainsi en prostituée dans Dupont-Barbès (Lepage, 1951), joue les maîtresses enceintes dans Fortuné de Marseille (Lepage, 1951), tombe la culotte dans L’étrange amazone (Vallée, 1952), rempile dans le vaudeville avec Légère et court-vêtue (Laviron, 1953), interprète les intrigantes qui finissent mal dans L'aventurière du Tchad (Rozier, 1953) et s'implique dans le trafic de cigarettes aux côtés de Barbara Laage dans Quai des blondes (Cadéac, 1953).
Madeleine Lebeau aventurière... (image : www.intemporel.com)
Mais tout n'est pas terne à pleurer dans la vie de la belle Lebeau. Sur le tournage de Paris chante toujours (Montazel, 1951), film où défilent les vedettes de la chanson française de l’époque (les Compagnons de la chanson, Luis Mariano, Georges Guétary, Tino Rossi, Edith Piaf, Yves Montand, Line Renaud, etc.), elle a rencontré l'acteur, réalisateur et producteur Clément Duhour qui va partager sa vie plusieurs années et qui lui donnera une fille. Pour elle, Clément Duhour divorce en 1952 de l’actrice Viviane Romance, la fameuse "vamp" des années 30 (voir Pitié pour les vamps... justement).
Pour une actrice, partager la vie d'un producteur de cinéma peut avoir certains avantages non négligeables... Faut-il y voir de cause à effet, Madeleine Lebeau se retrouve aux génériques de diverses productions de Clément Duhour comme le Napoléon (1954) de Sacha Guitry (où elle joue la prétendue fille naturelle de l'Empereur), Le pays d'où je viens (Carné, 1956), La vie à deux (1958), film cosigné par Guitry et Duhour, ou Vous n'avez rien à déclarer ? (Duhour, 1959).
Madeleine Lebeau et Jean Poiret dans Vous n'avez rien à déclarer ? (image : www.toulecine.com)
Madeleine Lebeau n’en côtoie pas moins de nouvelles générations de comédiens en cette fin des années 50. Elle croise Brigitte Bardot sur le tournage d’Une Parisienne (Boisrond, 1957), puis Alain Delon et Jean-Claude Brialy sur Le chemin des écoliers (Boisrond, 1959). Ce sont là les derniers feux de l’actrice sur grand écran. Au cours des années 60, elle n’apparaîtra que dans trois films. C'est elle la pathétique actrice française dans 8 1/2 (Fellini, 1962), la Grande Mademoiselle dans Angélique, marquise des Anges (Borderie, 1964) et l'improbable présence féminine du western-spaghetti Duel à Rio Bravo (Demicheli, 1964).
Mais tout ça n'est pas bien grave, puisque, sur le tournage de 8 1/2, elle a croisé le regard du scénariste attitré de Fellini, Tullio Pinelli. Les deux tourtereaux, qui régulariseront leur union en 1988, ont vécu heureux jusqu'à la mort de Tullio Pinelli, décédé centenaire le 7 mars 2009.
Ci-dessous, Madeleine Lebeau chante la Marseillaise dans cet extrait de Casablanca (Curtiz, 1943) (à 1'10'') :