Ciné passion par Anna le Gésic : Une vie
Un film de Stéphane Brizé (2015), sorti en salles le 23 novembre 2016
Je l’avoue aujourd’hui. Mais il y a prescription. « Une vie », le roman de Guy de Maupassant, était au programme des cours de français lorsque j’étais à Maths Sup, mais je ne l’ai jamais lu, si ce n’est de brefs passages, tant le sujet me paraissait d’un ennui mortel (la destinée sur 30 ans d’une femme de la petite noblesse du début du XIXe siècle dont la vie, justement, n’est qu’une suite de désillusions).
Déjà porté à l’écran à la fin des années 1950 par Alexandre Astruc avec Maria Schell dans le rôle de « l’héroïne », Une vie reprend vie devant la caméra de Stéphane Brizé, félicité pour son œuvre précédente, La loi du marché, dont le sujet terriblement contemporain semble aux antipodes de celui de ce nouvel opus. Et pourtant…
Refusant toute reconstitution historique et optant pour un cadre très resserré (le film est tourné au format 4/3 comme le Mommy de Xavier Solan), le réalisateur se focalise sur les émotions ressenties par le principal personnage féminin, enfermé moralement et physiquement, constamment déçu par son entourage proche (son mari, ses amies, son fils…), glissant inexorablement dans une sorte de dépression grise (comme le temps normand) et dont les jours sont seulement éclairés par des réminiscences récurrentes de moments heureux et ensoleillés (avec ses parents, au début de son mariage, avec son fils en bas âge…). Avec Une vie, pas de gras superflu, tout est austère (le cadre, l’ambiance, la musique, le sujet, certains dialogues visiblement improvisés…), mais cette austérité même crée une empathie étrange pour ce film et son interprète particulièrement remarquable (Judith Chemla, grande actrice de théâtre mais pas trop vue au cinéma). Une expérience originale à tenter !
Anna le Gésic